Juillet 1839 – l’Agence consulaire française de Belgrade devenait un consulat

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Le 19 mars 1839, François Duclos remettait ses lettres de créance au Prince Milos Obrenovic, rétablissant ainsi des relations diplomatiques franco-serbes interrompues depuis le 14ème siècle. Nommé en novembre 1838 par le ministre des affaires étrangères, M. Duclos devenait ainsi le premier représentant français en Serbie, en tant que vice-consul à la tête de « l’Agence consulaire de France à Belgrade ». Mais le gouvernement français allait rapidement décider de renforcer l’importance de sa représentation à Belgrade.

1/ La Serbie joue un rôle d’importance croissante en Europe du sud-est

M. Duclos séjourne en Serbie de mars à septembre 1839, à une période importante de son histoire au 19ème siècle. Après la révolte de 1804, la Serbie avait obtenu son autonomie par le Traité de Bucarest (1812) mais avait dû mener une nouvelle révolte (1815-1817) pour la concrétiser. Cette autonomie avait été confirmée et élargie par le Traité d’Andrinople (1829), à la suite duquel l’Empire ottoman avait reconnu la monarchie serbe et son caractère héréditaire (1830), permettant l’adoption des deux premières constitutions serbes (1835 puis 1838).

La constitution de 1838 confiait le pouvoir législatif à un Sénat qui, rapidement, entre en concurrence avec le Prince Milos Obrenovic pour assurer l’exercice réel du pouvoir, sur fond de tensions persistantes avec l’Empire ottoman. Cette concurrence entre le prince et le sénat conduit à des tensions croissantes, qui culminent au printemps 1839, précisément au moment où M. Duclos arrive en Serbie.

Le Prince Milos Obrenovic

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En mai 1839, certaines garnisons serbes se soulèvent contre le Sénat, avec l’appui de groupes de paysans armés. L’insurrection est toutefois contenue puis écrasée avec assez peu de violence par une armée loyaliste levée à la hâte par le Sénat. Il en résulte une fragilisation de la position du Prince. Accusé d’avoir été l’instigateur du mouvement, son propre frère est incarcéré le 12 juin sur ordre du Sénat. Sa position devenant de plus en plus difficile, le Prince Milos abdique le 13 juin en faveur de son fils aîné, Milan Obrenovic, gravement malade et qui décède dès le 8 juillet. Son frère Mihaïlo lui succède alors.

Milan II et Mihaïlo III Obrenovic

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Cette situation est aggravée par des tensions récurrentes entre une partie de la population et le Sénat, ainsi qu’entre les autorités de Belgrade et le gouvernement ottoman. Il en résulte un intérêt croissant du reste de l’Europe pour la Serbie, d’autant que le pays est de mieux en mieux intégrés aux réseaux commerciaux d’Europe du sud-est. Par ailleurs, après l’indépendance de la Grèce (1830), les regards se tournent vers les territoires ottomans en cours d’autonomisation, ce processus mettant en cause l’état des relations internationales établies dans la région depuis des décennies.

2/ M. Duclos décrit les limites de sa mission

Les nombreux rapports envoyés par M. Duclos aux autorités françaises de mars à septembre 1839 laissent transparaitre les difficultés de sa mission, tout spécialement pour un agent consulaire de rang protocolaire plus limité que celui d’autre Etats représentés en Serbie.

A/ La première tâche de M. Duclos avait été d’identifier une maison permettant d’accueillir les bureaux de l’Agence consulaire

A son arrivée à Belgrade en mars 1839, le Prince Milos avait mis à disposition du représentant français deux pièces de la résidence du Milosev Konak – décrites par l’intéressé comme inadaptées à son travail en raison de leur faible taille et éloignées du centre de Belgrade. Il faudra des semaines de dur travail à M. Duclos pour identifier un bâtiment en ville.

Le Milosev Konak de Belgrade - première résidence de François Duclos de mars à mai 1839

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Les combats des années 1804-1817 avaient causé d’importantes destructions dans Belgrade, où la reconstruction n’était pas achevée. La relative prospérité que connait la Serbie entre 1817 et 1830 provoque en outre une amorce d’exode rural vers les villes (d’ampleur encore très limitée) ainsi que l’arrivée en Principauté de Serbie de Serbes vivant dans l’Empire d’Autriche : il en résulte une certaine raréfaction des logements – tout spécialement à Belgrade.

Par ailleurs, l’essentiel des habitations de Belgrade correspond alors à des édifices populaires, construits au 18ème siècle (voir antérieurement), offrant des conditions de vie spartiates et, en conséquence, inaptes à accueillir des bureaux et de logements de personnel diplomatique. Les bâtiments de construction récente sont alors occupés par les administrations serbes, les élites ainsi que par les consulats étrangers. Enfin, et surtout, le rang protocolaire de M. Duclos – vice-consul – ne lui permet pas de prétendre au même appui que les représentants étrangers de rang supérieur avaient pu recevoir des autorités.

Ces difficultés induisent pour M. Duclos près de deux mois d’efforts pour identifier un bâtiment susceptible d’accueillir l’agence consulaire. En mai 1839, il loue ainsi à un notable de Belgrade un appartement du centre-ville pour 1 800 Francs par an (150 Francs par mois), une somme considérable pour l’époque. A titre de comparaison, un ouvrier français des années 1830 percevait un salaire journalier compris entre 1 et 3,25 Francs selon son secteur d’activité, soit un salaire annuel allant d’environ 320 à 1 000 Francs. Converti en euros de 2019, et en tenant compte de l’évolution du pouvoir d’achat depuis 180 ans, le loyer acquitté par M. Duclos serait revenu à plus de 80 200 euros par an (6 680 par mois) !

Malgré cette somme que M. Duclos qualifie lui-même d’« énorme », et qui grève assez sensiblement son budget, il souligne avoir été contraint d’accepter un appartement dans un immeuble seulement en partie maçonné, assez inconfortable et dont l’aspect tranche avec l’essentiel des bâtiments officiels présents dans la ville. Seuls sa taille suffisante et son emplacement dans le centre-ville semblent le lui avoir fait accepter.

B/ A partir de mars 1839, la mission de M. Duclos est également complexifiée par son rang protocolaire de vice-consul

Dans son rapport du 10 juillet 1839 au ministre des affaires étrangères, il décrit les difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de sa mission en raison de cet écart et insiste sur la nécessité pour la France d’être représentée à un bon niveau auprès des autorités serbes. Ceci alors que d’autres Etats européens étaient alors représentés par un consul (Autriche) ou un consul général (Royaume-Uni, Russie).

Alors que la Serbie gagne en importance politique en Europe du sud-est, l’intérêt de la communauté internationale pour le pays s’accroit, du point de vue diplomatique autant qu’économique et commercial. M. Duclos souligne alerte ainsi le maréchal Soult, président du gouvernement français et ministre des affaires étrangères : « l’importance toujours croissante de la principauté [de Serbie], sous le rapport politique et celui du commerce, rendent indispensable l’entretien d’une mission honorable dans ce pays ».

M. Duclos rappelle également les évènements qui ont conduit à la création de l’Agence consulaire de Belgrade, soulignant qu’en 1838 le prince de Serbie avait même envisagé, un temps, d’envoyer un représentant à Paris, avant que la décision d’envoyer M. Duclos à Belgrade soit prise. L’Agent consulaire français à Belgrade relève également que son rang protocolaire complexifie sa mission au quotidien, en ne lui permettant pas d’accéder aux mêmes dispositions que celles prises pour ses homologues d’autres Etats européens.

L’en-tête du rapport du 10 juillet 1839, par lequel M. Duclos recommandait au maréchal Soult de nommer à Belgrade un consul de plein exercice et de rehausser l’Agence consulaire de France en consulat en bonne et due forme (source : archives diplomatiques)

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3/ La transition vers un consulat en bonne et due forme

Dès le 21 juillet 1839, le maréchal Soult décide de nommer à Belgrade M. Achille de Codrika, avec le rang de consul. Cette décision, qui intervient seulement 11 jours après la rédaction du rapport de M. Duclos semble avoir été prise sur le fondement de ses notes antérieures : en raison du délai d’acheminement du courrier entre Belgrade et Paris à cette époque (entre 6 et 8 semaines), il semble peu probable que le ministre ait eu connaissance du rapport du 10 juillet au moment de prendre sa décision le 21 juillet. Il semble dès lors que les précédents documents envoyés par le vice-consul français depuis mars 1839 avaient suffi à convaincre les autorités françaises de la nécessité de rehausser l’importance de la représentation française à Belgrade.

Le maréchal Soult - en juillet 1839, il décide de rehausser la présence diplomatique française à Belgrade en transformant l’Agence consulaire en consulat

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M. de Codrika arrive à Belgrade le 15 septembre 1839. Entre-temps, le 22 août, le consul-général britannique rentre d’un congé exceptionnel et décharge officiellement M. Duclos de la gestion de son consulat – qu’il exerçait depuis la fin mai 1839. Le représentant français passe alors le mois de septembre à préparer l’arrivée de son successeur. Il installe sa famille à Semlin (Zemun) afin de libérer une chambre de l’appartement qui accueille l’agence consulaire, afin de permettre l’installation de M. de Codrika, et prépare ses ultimes correspondances au ministère français des affaires étrangères. Il y fait le bilan de son activité à Belgrade et décrit les derniers développements politiques survenus dans le pays.

Le 30 septembre, M. Duclos quitte finalement Belgrade pour Patras (Grèce), où une décision ministérielle du 17 juillet l’avait désigné agent consulaire de France. M. de Codrika devient alors le premier représentant français ayant officiellement rang de consul – le plaçant à égalité protocolaire avec la majorité de ses homologues d’autres Etats européens présents à Belgrade. Le consulat de France à Belgrade demeurera inchangé quant à son statut jusqu’à 1867, date à laquelle il sera encore rehaussé en consulat général.

Dernière modification : 08/05/2019

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