Les nombreux rapports envoyés par M. Duclos aux autorités françaises de mars à septembre 1839 laissent transparaitre les difficultés de sa mission, tout spécialement pour un agent consulaire de rang protocolaire plus limité que celui d’autre Etats représentés en Serbie.
A/ La première tâche de M. Duclos avait été d’identifier une maison permettant d’accueillir les bureaux de l’Agence consulaire
A son arrivée à Belgrade en mars 1839, le Prince Milos avait mis à disposition du représentant français deux pièces de la résidence du Milosev Konak – décrites par l’intéressé comme inadaptées à son travail en raison de leur faible taille et éloignées du centre de Belgrade. Il faudra des semaines de dur travail à M. Duclos pour identifier un bâtiment en ville.
Le Milosev Konak de Belgrade - première résidence de François Duclos de mars à mai 1839
Les combats des années 1804-1817 avaient causé d’importantes destructions dans Belgrade, où la reconstruction n’était pas achevée. La relative prospérité que connait la Serbie entre 1817 et 1830 provoque en outre une amorce d’exode rural vers les villes (d’ampleur encore très limitée) ainsi que l’arrivée en Principauté de Serbie de Serbes vivant dans l’Empire d’Autriche : il en résulte une certaine raréfaction des logements – tout spécialement à Belgrade.
Par ailleurs, l’essentiel des habitations de Belgrade correspond alors à des édifices populaires, construits au 18ème siècle (voir antérieurement), offrant des conditions de vie spartiates et, en conséquence, inaptes à accueillir des bureaux et de logements de personnel diplomatique. Les bâtiments de construction récente sont alors occupés par les administrations serbes, les élites ainsi que par les consulats étrangers. Enfin, et surtout, le rang protocolaire de M. Duclos – vice-consul – ne lui permet pas de prétendre au même appui que les représentants étrangers de rang supérieur avaient pu recevoir des autorités.
Ces difficultés induisent pour M. Duclos près de deux mois d’efforts pour identifier un bâtiment susceptible d’accueillir l’agence consulaire. En mai 1839, il loue ainsi à un notable de Belgrade un appartement du centre-ville pour 1 800 Francs par an (150 Francs par mois), une somme considérable pour l’époque. A titre de comparaison, un ouvrier français des années 1830 percevait un salaire journalier compris entre 1 et 3,25 Francs selon son secteur d’activité, soit un salaire annuel allant d’environ 320 à 1 000 Francs. Converti en euros de 2019, et en tenant compte de l’évolution du pouvoir d’achat depuis 180 ans, le loyer acquitté par M. Duclos serait revenu à plus de 80 200 euros par an (6 680 par mois) !
Malgré cette somme que M. Duclos qualifie lui-même d’« énorme », et qui grève assez sensiblement son budget, il souligne avoir été contraint d’accepter un appartement dans un immeuble seulement en partie maçonné, assez inconfortable et dont l’aspect tranche avec l’essentiel des bâtiments officiels présents dans la ville. Seuls sa taille suffisante et son emplacement dans le centre-ville semblent le lui avoir fait accepter.
B/ A partir de mars 1839, la mission de M. Duclos est également complexifiée par son rang protocolaire de vice-consul
Dans son rapport du 10 juillet 1839 au ministre des affaires étrangères, il décrit les difficultés qu’il rencontre dans l’exercice de sa mission en raison de cet écart et insiste sur la nécessité pour la France d’être représentée à un bon niveau auprès des autorités serbes. Ceci alors que d’autres Etats européens étaient alors représentés par un consul (Autriche) ou un consul général (Royaume-Uni, Russie).
Alors que la Serbie gagne en importance politique en Europe du sud-est, l’intérêt de la communauté internationale pour le pays s’accroit, du point de vue diplomatique autant qu’économique et commercial. M. Duclos souligne alerte ainsi le maréchal Soult, président du gouvernement français et ministre des affaires étrangères : « l’importance toujours croissante de la principauté [de Serbie], sous le rapport politique et celui du commerce, rendent indispensable l’entretien d’une mission honorable dans ce pays ».
M. Duclos rappelle également les évènements qui ont conduit à la création de l’Agence consulaire de Belgrade, soulignant qu’en 1838 le prince de Serbie avait même envisagé, un temps, d’envoyer un représentant à Paris, avant que la décision d’envoyer M. Duclos à Belgrade soit prise. L’Agent consulaire français à Belgrade relève également que son rang protocolaire complexifie sa mission au quotidien, en ne lui permettant pas d’accéder aux mêmes dispositions que celles prises pour ses homologues d’autres Etats européens.
L’en-tête du rapport du 10 juillet 1839, par lequel M. Duclos recommandait au maréchal Soult de nommer à Belgrade un consul de plein exercice et de rehausser l’Agence consulaire de France en consulat en bonne et due forme (source : archives diplomatiques)